Accueil > Web protestant > Le sacerdoce universel : tou·te·s théologien·ne·s !
Le sacerdoce universel : tou·te·s théologien·ne·s !
lundi 16 juin 2025, par
J’avais l’ambition de rédiger des pages remarquables sur les principes protestants sur l’ancienne version de ce blog. C’était une mauvaise idée, dont je dis quelques mots dans La théologie protestante en mode « web archive ». Il me paraît beaucoup plus intéressant de répondre à des contenus en ligne, à les commenter, les relayer, etc. plutôt que de rêver de billets (qui ne seront donc jamais en ligne).
Quelques faits
Formellement, je suis théologien. J’ai une licence (équivalence master) universitaire en théologie protestante. Ce qui fait que je suis et resterai, quoi qu’il m’arrive, théologien. Il fallait le dire, mais ce n’est pas du tout le propos de ce billet.
Parler de « tous et toutes » et utiliser des termes compliqués est un beau paradoxe. « Sacerdoce universel » est un terme technique pour parler de quelque chose d’assez simple : le fait que chacune et chacun soit théologienne ou théologien. Nous devrions nous demander s’il est acceptable d’abuser de terminologies de spécialistes quand on prétend s’adresser au public du « toutes et tous ».
Je n’ai pas le livre Tous théologiens de Rapahël Picon sous la main. J’en parle de mémoire, en partie ravivée par les articles que je citerai plus tard.
Le sacerdoce universel est un principe protestant de base, copieusement défendu par Martin Luther dans ses écrits. D’une certaine manière, en me situant dans la tradition protestant réformée, je suis d’accord avec les grandes lignes du 16e siècle.
Élaborer sa théologie
J’aime beaucoup cette expression, que Marc Pernot utilise souvent sur son excellent blog Je cherche Dieu. Pour reprendre quelques lignes de la page Élaborer sa théologie :
Mais élaborer une théologie, ou plutôt SA propre théologie est une activité essentielle car elle consiste à réfléchir sur ce que l’on pense être essentiel dans sa vie, dans sa visée, dans ses valeurs, dans sa conception de ce qui est juste et bon.
Jérôme Grandet, dans son billet sur le livre de Raphaël Picon, nous dit :
Je suis une personne qui s’est intéressé à la théologie, qui en a lu beaucoup, qui s’est initié à la pratique de la théologie et de l’exégèse, mais je ne suis pas un théologien.
La dernière partie me semble fausse, tout simplement. Il est théologien parce qu’il s’est intéressé activement, sérieusement, dans la durée, à des réflexions théologiques. Parce que je suis convaincu qu’une personne peut être théologienne ou théologien sans expression publique, sans prise de parole.
Utiliser sa théologie
Quand Diane Friedli parle de « mettre les jeunes au centre » dans son billet Trois réflexions sur la catéchèse, elle parle d’utiliser sa théologie :
Les camps permettent d’expérimenter la vie communautaire, ils obligent à sortir de sa zone de confort, à faire de la place aux autres. Ils permettent aussi de s’extraire du quotidien pour mieux l’interroger, se questionner sur ses priorités, les relations, les projets. On y expérimente la spiritualité individuelle et collective, le débat d’idées, la construction de la pensée en se confrontant à des avis divergents.
Quand James Woody parle de « transmission de la foi » dans La catéchèse, pour un peu plus que la culture et la doctrine, il parle d’utiliser sa théologie :
La catéchèse que nous offre ce passage biblique [du livre de l’Exode], nous révèle que ce dont il est question dans la Bible, n’est pas d’abord destiné à nous permettre d’avoir les bonnes réponses au trivial poursuit, mais à répondre de tout notre être à des situations qui appellent une justice divine.
Et quand je regarde une série américaine où les protagonistes lancent à tout va des « tu le mérites » (you desserve it), je ne peux m’empêcher d’utiliser comme clé de lecture les principes de grâce, de foi et d’œuvres.
Est théologien ou théologienne la personne qui utilise sa théologie comme clé de lecture des événements du quotidien, des expressions culturelles, des affirmations de notre monde contemporain.
Jérôme Grandet est théologien quand il publie une excellente lecture de la saga Kaamelott. Diane Friedli est théologienne quand elle propose sa merveilleuse lecture des Croods. Olivier Keshavjee est théologien quand il sélectionne des textes du Seigneur des Anneaux pour accompagner la mort. Laure Devaux Allisson est théologienne quand elle nous livre ses méditations domestiques.
Qu’importe le statut de la personne : ses études, sa consécration pastorale ou diaconale, son emploi ou non dans une institution ecclésiale, etc. Les théologiennes et théologiens sont celles et ceux qui utilisent l’« outil théologie ».
Mais dans les trois exemples précédents, l’outil permet une expression publique sur le web. Parlons-en !
Exprimer sa théologie
Ce qui est précieux dans la publication sur des blogs et sites personnels, c’est la pérennité des contenus. Alors que je n’ai pas le livre sous la main, j’ai des billets bien présents en ligne. Je peux m’appuyer dessus pour élaborer ma réflexion, pour les utiliser et finalement pour m’exprimer.
J’aurais envie de dire que toute personne qui exprime des réflexions théologiques publiquement est, de fait, théologien ou théologienne. En revanche, je sais qu’il existe beaucoup de theologiennes et théologiens qui ne s’expriment pas publiquement. Ou publiquement mais pas sur le web.
Évidemment, je le regrette. Que serait ce billet sans tous ses liens ? Pas grand chose. Une réflexion isolée, alors que le blog est réseau, comme le disait justement Martin Grandjean il y a plus de 10 ans.
J’ai envie de dire que le réseau fait (aussi) la théologienne ou le théologien. Entrer en relation par des écrits qui suscitent une réflexion, des réponses sur son propre blog, des commentaires (construits), des partages (commentés), c’est aussi « expirmer de la théologie ».
Inverser les choses
Me voilà très éloigné des considérations d’Elio Jaillet dans son billet Faire de la théologie que je vous invite à lire. Parce que lire des positions divergentes, c’est aussi un moyen d’élaborer sa théologie.
Elio Jaillet pousse assez fortement du côté de l’académique, dans le billet que je viens de citer, ainsi que dans Le-la théologien-ne. Ou du côté institutionnel ecclésial dans cet texte écrit avec Étienne Guilloud.
Chez Jérôme Grandet, je vois beaucoup de crainte du cadrage, de restrictions ou d’utilitarisme. Je n’ai pas du tout sa vision quand je lis :
Autrement dit, les croyants sont valorisés non pas pour eux-mêmes, mais pour ce qu’ils apportent à la théologie et à l’institution.
Il me faut donc simplifier les choses, pour moi et parce que je trouve, au fond, les textes de ces 2 blogueurs trop trapus :
- Nous pouvons toutes et tous être théologiennes et théologiens.
- Nous avons le droit élaborer notre propre théologie.
- Nous pouvons l’utiliser comme clé de lecture du monde qui nous entoure.
- Nous avons la chance d’avoir le droit de l’exprimer publiquement dans un certain nombre de pays.
- Nous n’avons pas d’obligation de le faire.
- Ni les personnes ni les institutions n’ont le droit de s’arroger le monopole de la théologie.
Le sacerdoce universel ne me dit pas ce que qu’il faut faire ; il pose des limites en me rappelant ce qui est interdit.